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21 juillet 2015 2 21 /07 /juillet /2015 00:32
Migrants: à la frontière franco-italienne, la solidarité s’organise

Publié intégralement ici

http://www.mediapart.fr/journal/france/150715/migrants-la-frontiere-franco-italienne-la-solidarite-s-organise?onglet=full

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Par Louise Fessard

À Vintimille, où sont bloqués quelque 250 migrants, la solidarité est principalement italienne. Ce qui n’empêche pas la mobilisation de plusieurs associations musulmanes françaises, parfois créées ad hoc, et de nombreux dons individuels. Un objectif : offrir un moment de répit.

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À la gare SNCF de Nice, les gendarmes mobiles ne sont pas les seuls à patrouiller depuis début juin 2015. Trois fois par jour, des militants niçois effectuent aussi leurs rondes. L’enjeu est de repérer avant les forces de l’ordre les exilés soudanais, érythréens, afghans, etc. qui ont réussi, parfois en marchant des heures le long des voies, à franchir la frontière franco-italienne.

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« Nice, pour les migrants, c’est le pire endroit, explique Elysabeth Marque, retraitée et bénévole à la Cimade. Notre premier conseil est de s’écarter de la gare, car ils n’ont qu’une idée : prendre le train pour Paris. » Les personnes repérées sont orientées vers diverses associations niçoises (Habitat et citoyenneté, Secours catholique, Forum réfugiés, Amnesty international, Ligue des droits de l'homme, Mrap, RESF,…) où ils pourront entamer des démarches de demande d’asile, prendre une douche, manger ou simplement se poser quelques heures avant de reprendre leur périple.

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L’afflux a commencé en mai 2015. La Fédération des musulmans du Sud, une jeune association, sert des repas tous les soirs sur le parvis de la gare de Nice depuis sa création à l’été 2014. « Nous sommes passés de 80 repas par soir maximum en hiver à 300 depuis le printemps avec les migrants d’Afrique noire », explique Feïza, 29 ans, une de ses bénévoles. « Tous les jours, il y avait une soixantaine de migrants à la gare, mais la police les laissait monter dans les trains pour Paris, raconte Hubert Jourdan.

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Puis, brusquement, le 9 juin 2015, lendemain de l’évacuation très médiatisée de la halle Pajol à Paris, le ton change. La police commence à interpeller systématiquement les migrants à la gare de Nice et à les renvoyer en Italie. « Ce jour-là, les flics nous disent : “On a des ordres de les empêcher de passer, c’est le bordel à Paris et à Calais, ils n’en veulent plus” », raconte Teresa Maffeis, 64 ans, militante de l'Association pour la démocratie à Nice (ADN). …/…
Le fait est que la plupart des migrants venant d’Italie n’ont aucune envie de rester en France. Depuis la vague d’arrivées de mai 2015, seuls cinq Érythréens et Soudanais ont déposé une demande d’asile en préfecture à Nice. C’était le 7 juillet. L’association Forum réfugiés de Nice a mené plusieurs missions d’information juridique à Vintimille pour expliquer les possibilités d’asile en France. « Mais leur but, c’est l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Suède, le Danemark et les Pays-Bas, dit Yann Lapeyre, juriste à la plate-forme niçoise de Forum réfugiés. La France a très mauvaise presse sur l’accueil des demandeurs d’asile. Et on ne leur ment pas : ils seront isolés, n’auront pas d’hébergement, ne pourront pas travailler, mais pourront recevoir une allocation. »

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« Pourquoi crée-t-on un problème ? »

Tout au plus, les militants niçois peuvent-ils donc offrir un peu de répit aux exilés sur leur périple entre le désert et l’Europe du Nord. Comme celles de « sept, huit autres » Niçois, la maison de Hubert Jourdan, située un peu à l’écart de la ville, leur est toujours ouverte. « Chez lui, il y a des Afghans, des Albanais, des Kosovars, s’il y a un musulman, ce n’est pas un problème, pendant quelques jours, on ne mange pas de porc », dit Sonda, 22 ans, un jeune réfugié sierra-léonais logé par le militant pendant neuf mois à son arrivée à Nice, en 2011. Aujourd'hui, Sonda, qui habite à Toulon, vient lui aussi donner un coup de main du côté de la gare pour orienter les migrants perdus.

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La plupart des militants se sont fixé leurs propres limites. Certains n’hésitent pas au besoin à avancer l’argent d’un billet de train, d’autres refusent tout don d’argent ou de prendre des migrants dans leur voiture. Pas non plus de prêt d’identité pour recevoir de l’argent via des mandats Western Union. « On ne sait jamais d’où vient l’argent, ni à qui il est vraiment destiné, explique Sami Boubakri, 34 ans, président de l'association niçoise Fraternité du savoir. On aimerait les aider plus, mais après, ils risquent de nous coller l’étiquette de passeurs. »

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À Vintimille, les gestes de solidarité envers la cinquantaine de migrants qui campent sur les rochers sont surtout italiens, comme si la France n’était pas vraiment concernée. Sur les rochers, à la frontière même, une quarantaine de militants, principalement italiens, se sont installés depuis près de trois semaines à côté des exilés. La moyenne d’âge est très jeune, beaucoup se revendiquent du réseau européen No Border, mais on croise aussi quelques vieux libertaires italiens. « Après la tentative de la police italienne de repousser les migrants dans le tunnel côté italien, nous avons décidé d’organiser une présence permanente », explique Emmanuela, 29 ans, une éducatrice habitant à Vintimille. Les Italiens ont installé des douches et des toilettes, ainsi que des tentes et des bâches pour protéger les migrants des ardeurs du soleil.

Des panneaux solaires permettent de recharger les téléphones collectés pour les migrants. « Ces personnes ont débarqué dans une réalité européenne plutôt hostile, dit Lorenzo, un percussionniste de 24 ans d’Imperia. Ils n’ont rencontré que des policiers, des passeurs voulant s’enrichir sur leur dos ou de l’assistance pure. L’Europe leur a retiré leur dignité humaine. Alors notre ligne est de respecter leur volonté et de ne surtout rien faire qui puisse aggraver leur situation. »
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