Entretien avec monsieur X. Propos recueilli par Catherine Gallois - décembre
2010
Vous souvenez-vous de votre arrivée à Besançon ?
Oui, je suis arrivé le soir, le 4 mars 2009. Il faisait
froid.
J’ai essayé de trouver l’hébergement où les sans-abri dorment. Je ne savais pas où
ça se trouvait mais j’ai demandé à quelqu’un… La personne à qui j’ai demandé était un homme très gentil qui a appelé le 115 avec son téléphone portable.
On lui a dit comment aller à l’abri de nuit, et il m’a expliqué. Je venais
d’arriver en train de Paris…
J’ai trouvé l’endroit et j’ai passé la première nuit là-bas, à l’abri. J’étais
dans une chambre, seul, ma valise a été mise dans un casier. Le gardien m’a donné une serviette, des draps ; il m’a montré où prendre ma douche, où
dormir.
Le lendemain matin, il m’a envoyé au SAAS* car je ne savais pas où aller pour
demander l’asile. Le SAAS m’a dit « qu’estce que tu veux ? », j’ai répondu « je suis demandeur d’asile », alors ils m’ont donné l’adresse du CAUDA* rue Gambetta.
Il fallait aller après le pont Battant, j’ai demandé mon
chemin.
Il y avait le 13 et le 20 rue Gambetta. Je ne savais pas où aller. Je suis allé au
13, j’y ai trouvé quelqu’un qui m’a demandé ce que je voulais. J’ai dit « je suis demandeur d’asile » et il m’a accompagné au 20 de la rue. En fait, c’est là
qu’il y a les bureaux. Au début je n’ai pas vu la
directrice, j’ai parlé avec un étranger, interprète pour les gens qui viennent de l’Europe de l’Est. Il m’a dit qu’il n’y avait pas de place, que toutes les chambres étaient complètes… « C’est
plein, tu dois aller dans une autre ville ou un autre département ». Mais je lui ai dit que je ne pouvais pas, que je n’avais plus d’argent.
Pendant qu’on parlait la directrice est arrivée. Heureusement ! Elle m’a dit qu’il
y avait une place pour moi, que je pouvais rester. C’était le 5 mars 2009. Ils m’ont donné une chambre, il y avait déjà quelqu’un, c’était un nigérien (aujourd’hui, lui a ses
papiers).
Le CAUDA m’a accueilli quelques jours ; ils m’ont accompagné pour faire des
photos, aller chercher une carte de bus, remplir des documents. Ensuite je suis allé à la Préfecture déposer mon dossier de demande d’asile. Et puis je suis resté au CAUDA en attendant la
réponse.
Vous parliez français ?
Non, je parlais en anglais. Beaucoup de personnes parlent anglais : à la gare, à
l’abri de nuit, au CAUDA,….
Comment et pourquoi êtes-vous arrivé à Besançon ?
Je suis soudanais, j’ai transité par la Libye. Le passeur m’a laissé dans un camion. Après être sorti du
bateau, celui-ci s’est arrêté à côté de Marseille lorsque nous avons tapé sur les parois ; j’étais avec quatre autres africains. Le chauffeur du camion était très en colère, il ne savait pas
qu’on était cachés là. Je ne comprenais pas ce qu’il disait mais il était fâché ! Nous étions dans la campagne, je suis allé à pied jusqu’à la gare pour prendre le train et aller à Paris. C’était
le 28 février 2009, je voulais aller à Calais pour passer en Grande-Bretagne. A Marseille c’est quelqu’un qui parlait arabe qui m’a aidé à acheter mon billet de train. A Paris, je suis resté
quatre jours, dans la rue, dans le métro. J’ai rencontré un africain qui m’a parlé de Calais, des difficultés là-bas et qui m’a conseillé de rester en France pour demander l’asile. Paris est une
très grande ville, c’est difficile d’y vivre quand on ne connaît personne… Je lui ai demandé conseil pour une petite ville. Il m’a dit « tu peux aller à Dijon, à Besançon, à Angers,… ». J’ai
demandé quelle était la plus petite et il m’a répondu « c’est Besançon »…
Voilà ! Pour acheter le billet de train, il me manquait 2 euros. Quelqu’un me les
a donnés. Je n’avais plus d’argent du tout quand je suis arrivé à Besançon…
Au CAUDA, j’ai reçu des tickets pour aller manger au foyer de la Cassotte. Après,
quand j’ai eu les papiers de demandeurs d’asile, j’ai reçu de l’argent, l’allocation temporaire d’attente, environ 300 euros.
Et quel accueil avez-vous reçu à la préfecture ?
A l’accueil j’ai montré les papiers du CAUDA, on m’a envoyé dans un autre bureau.
Il y avait deux personnes : une femme et un homme. Ils ont pris les papiers, après ils m’ont mis devant un ordinateur pour les empreintes. Je n’ai pas eu de problèmes avec ces personnes. Il
fallait attendre quinze jours pour la réponse, mais au bout de quinze jours j’ai dû retourner à la Préfecture pour refaire les empreintes. J’ai attendu encore quinze jours, et ils m’ont envoyé le
premier récépissé. Il était vert, et pour un mois seulement.
Je suis toujours allé seul à la Préfecture. On m’avait montré où c’était. Le CAUDA
m’avait aidé à faire ma demande d’asile, j’avais seulement à porter les documents à la Préfecture.
Quelles sont les informations importantes à donner à un étranger qui arrive à
Besançon ?
Depuis plus d’un an, il y a un système de tutorat mis en place par Sabine au
CAUDA. Les anciens aident les nouveaux qui arrivent, les accompagnent pour découvrir les lieux importants.
La vie à Besançon est très simple, pas compliquée : tout est facile à trouver au
centre ville parce que c’est une petite ville, et les personnes sont gentilles. Moi, je n’ai pas eu de problème, sauf un avec l’interprète qui m’a dit qu’il n’y avait plus de place, que tout
était plein…
A Besançon, la vie n’est pas très chère, ce n’est pas comme à Paris. On peut
facilement prendre le bus. Il y a beaucoup d’associations qui aident les gens : le CCAS (les ateliers créatifs, les cours de français), la Croix-Rouge (je suis bénévole à l’aide alimentaire), le
Secours catholique, le Secours populaire, les Restos du cœur,…
Vous citez différentes associations, avez-vous aussi trouvé de l’aide auprès
d’associations de migrants ?
Je ne connais pas d’associations de soudanais ou d’africains. Je n’en ai pas
entendu parler. C’est le CAUDA qui m’a donné les coordonnées des associations qui peuvent aider les demandeurs d’asile, pour les vêtements, l’aide alimentaire notamment.
Pouvez-vous préciser les facilités et les difficultés que vous avez eues
?
Grâce au CAUDA je n’ai pas eu beaucoup de difficultés.
Seulement j’ai dû attendre pendant cinq mois avant d’avoir les droits pour
l’assurance maladie. Pendant ce temps je suis allé à Médecins du Monde. Après cinq mois, j’ai pu aller à l’hôpital pour me faire opérer.
Je n’ai pas non plus le droit de travailler.
Pour la langue française, il y a des cours de français au CAUDA. J’ai commencé les
cours environ vingt jours après mon arrivée. Maintenant je peux faire les choses tout seul ; il a fallu environ six mois pour me débrouiller. Les cours aux
Bains-Douches m’ont permis aussi de bien progresser.
Que diriez-vous à quelqu’un qui arrive à Besançon ?
Que c’est bien d’être dans une petite ville, car grande ville égale grands
problèmes…
Venir à Besançon, ça s’est bien passé pour moi.
Quelle est votre situation actuelle et quelles sont vos idées pour l’avenir
?
J’ai attendu 11 mois la réponse de l’OFPRA, elle est négative et je suis en
procédure de recours depuis presque 10 mois. Je ne sais pas quand je vais être convoqué. Il n’y a pas de délai fixé…
Pour le travail ici c’est différent de chez nous, il faut faire une formation pour
avoir un métier et un emploi. Chez nous, on choisit la profession que l’on veut faire et on apprend sur le lieu du travail.
Au Soudan, j’étais dans le commerce. J’avais un magasin de vêtements et de
parfums. Mais ici il faut de l’argent pour avoir une boutique. Je pense plutôt faire une formation dans le bâtiment, la peinture, ou la mécanique pour les voitures. Ce sont des domaines qui me
plairaient, comme conducteur d’engins de chantiers.
Mais il faut que j’aie mes papiers…
* SAAS : Service d'Accueil et d'Accompagnement Social, 10 rue
Champrond.
* CAUDA : Centre d'Accueil d'Urgence des Demandeurs d'Asile, 20 rue
Gambetta.
Migrations à Besançon
http://migrations.besancon.fr Propulsé par Joomla! Généré: 4 June, 2011,
08:49