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5 décembre 2013 4 05 /12 /décembre /2013 05:10
Lyon: le préfet, les maires et les demandeurs d'asile albanais

Par Agnès Laurent, publié le 25/11/2013 à par L’EXPRESS - extraits

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Ils rêvaient d'un statut de réfugiés politiques. Ils sont devenus les emblèmes d'une politique de l'asile à bout de souffle. Enquête sur les migrants du pont Kitchener, au coeur de la métropole lyonnaise, enjeux depuis l'été d'une bagarre entre des élus locaux à cran à l'approche des municipales.

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Leur histoire aurait pu sombrer dans l'indifférence générale. Ils sont devenus, en quelques semaines, le symbole des passions ? …/…

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L'affaire du "pont Kitchener" naît au début de l'été. Ala veille de l'inauguration du pôle multimodal de la gare de Perrache, les forces de l'ordre délogent une soixantaine de demandeurs d'asile des abords de la très chic place Carnot, en plein coeur de la ville, et les guident vers le pont autoroutier, tout proche.

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Le Grand Lyon demande l'expulsion du campement

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Très rapidement, la situation sanitaire sous le pont se dégrade. Médecins du monde alerte Jean-François Carenco, préfet de la région Rhône-Alpes, et Gérard Collomb, maire (PS) de la ville et président du Grand Lyon (la communauté d'agglomération). Le préfet rouvre un camp de bungalows destiné aux sans-abri, fermé depuis la fin de l'hiver dernier. Mais il ne peut accueillir qu'une centaine de personnes. Sous le pont, la place libérée est aussitôt occupée par d'autres immigrants.

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Très vite, il y a non plus quatre rangées de tentes, mais cinq, six... Le Grand Lyon, propriétaire du terrain, saisit la justice pour demander l'expulsion du campement.

En attendant, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) prend une initiative inédite : des officiers sont détachés à Lyon pour étudier les demandes d'asile directement sur le terrain.

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L'idée est simple : les ressortissants des Balkans et d'Europe de l'Est seront moins tentés de venir en France s'ils savent que leur dossier est examiné en quelques semaines - et non en quelques mois, comme c'est habituellement le cas - et qu'ils n'ont que très peu de chances d'obtenir le statut de réfugié (de 3 à 4 % pour les Albanais ou les Kosovars). S'ils sont moins nombreux, il sera plus facile de les loger. 600 dossiers sont traités en un temps record.

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A la rentrée, l'exaspération monte. Denis Broliquier s'en fait volontiers l'écho, alternant entre déclaration humaniste - "On ne peut laisser vivre des gens dans des conditions pareilles ».

Jouant sur le ras-le-bol de ses administrés, le maire lance, le 3 octobre, une pétition pour obliger l'Etat à réagir. En quelques semaines, il recueille 2000 signatures.

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Le moment n'est pas choisi au hasard. Le 10 octobre, Manuel Valls est de passage à Lyon pour une cérémonie. Le ministre de l'Intérieur, qui a fait de la réforme de l'asile une de ses priorités, ne peut ignorer la situation du pont Kitchener. Il s'y rend, dans la soirée, en compagnie de Gérard Collomb et de Jean-François Carenco.

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Le préfet s'active. Dans le plus grand secret, le 18 octobre, il signe un arrêté de réquisition pour un terrain de 10 hectares, propriété du Grand Lyon mais situé sur la commune d'Oullins, limitrophe de Lyon. Il prévoit d'y installer des bungalows de chantier, de les raccorder à l'eau et à l'électricité et d'y loger 300 demandeurs d'asile du pont Kitchener, au moins jusqu'en avril.

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Sitôt l'arrêté de réquisition rendu public, le 22 octobre, François-Noël Buffet, maire (UMP) d'Oullins, explose. Devant les caméras, il dénonce un "procédé de voyou". Rappelle que sa ville accueille déjà 225 demandeurs d'asile. Ajoute, dans un amalgame douteux, que, il y a deux ans, il a fallu réparer les dégâts causés par le squat d'une école par des "Roms", 80000 euros. …/…

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Il lance une pétition plus qu'explicite : "Non à l'installation de 296 demandeurs d'asile à Oullins". Le succès est immédiat. 1000, 2000, 3000... signataires en quelques jours à peine. Au total, quelque 6000 Oullinois - sur 26000 habitants - paraphent l'appel. Les commentaires sont violents contre " ces Roms qui viennent chez nous tout casser, tout voler ".

…/…"De quoi avez-vous peur ?"

En face, le préfet affiche son sang-froid. " J'en appelle à la conscience de tout être humain et je dis en toute responsabilité à tous : mais de quoi avez-vous peur ? Ces personnes sont en situation régulière. Depuis 1945, tout demandeur d'asile a le droit d'être logé à l'endroit où il est venu ", lâche-t-il dans Le Progrès, le quotidien régional. Et d'ajouter : "On n'a jamais vu un demandeur d'asile voler du cuivre, ceux qui diffusent ces rumeurs ne sont pas honnêtes."

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En réalité, Jean-François Carenco a déjà perdu la partie. Si les propos les plus excessifs du maire font l'objet de critiques, beaucoup - y compris à gauche et dans le milieu associatif - estiment qu'installer 300 demandeurs d'asile au même endroit n'est pas très judicieux.

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Le plan Carenco a vécu. Le préfet, qui l'a bien compris, fait "part de son infinie tristesse" à propos de la réaction des Oullinois. Et se met en quête d'autres solutions, si possible à l'extérieur du département. Pas simple : l'essentiel des demandeurs se concentre à Lyon. Les autres villes de Rhône-Alpes ne se bousculent pas pour les accueillir. Un schéma se dessine enfin : seules 150 personnes seront logées à Oullins, les autres seront prises en charge ailleurs.

Mais le maire d'Oullins ne se satisfait pas de cette première victoire. Il appelle à un grand rassemblement le samedi 9 novembre devant sa mairie. La manif de trop? Le mouvement menace de lui échapper. Le candidat du Front national aux municipales annonce sa présence, l'extrême gauche aussi.

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De l'autre côté de la ville, le long des voies ferrées, les cabanes de chantier s'alignent en rangs serrés. Depuis le 18 novembre, des familles s'y sont installées. …/…

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Que deviendront les 50 ou 100 personnes du pont qui ne seront pas relogées parce qu'elles n'ont pas le statut de demandeuses d'asile ? Le pont Kitchener ne risque-t-il pas de devenir, dans l'indifférence générale, un camp permanent?

En savoir plus sur http://www.lexpress.fr/actualite/societe/lyon-le-prefet-les-maires-et-les-demandeurs-d-asile-albanais_1301559.html#G11VObXQ6sdQKA53.99

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