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17 novembre 2012 6 17 /11 /novembre /2012 05:58

Rencontre avec Paloma Maquet, doctorante en géographie et spécialiste de l’immigration à bord des navires de la marine marchande à destination de l’UE.

Article publié intégralement ici http://blogs.mediapart.fr/edition/traversees/article/301012/dans-les-cargos-et-les-ports-la-traque-au-passager-clandestin

 

Qui sont ces « passagers clandestins » ?  

Ceux qu’on appelle « passagers clandestins », « stowaways » en anglais ou « polizones » en espagnol sont les migrants qui se cachent dans les cargos de marchandises pour quitter un pays. Souvent, ces migrants se fient au nom du bateau ou au type de marchandises mais en fait, il arrive qu’ils ne sachent pas où ils vont véritablement débarquer. En Allemagne, on les appelle d’ailleurs des « passagers aveugles ». Ils s’embarquent sans savoir pour quelle destination, l’important est de partir. Et certains vont se retrouver à Buenos Aires alors qu’ils souhaitaient rejoindre l’Europe… Ce sont des aventuriers. 

cargo-g.jpgCe qui retient mon attention, c’est le décalage entre ces destins individuels d’hommes et de femmes prêts à s’embarquer sur n’importe quel bateau pour partir, et les flux incessants et démesurés de marchandises qui passent d’un port à un autre. Aujourd’hui plus de 80% du commerce international se fait par voie maritime. Il s’agit d’une migration très peu médiatisée mais potentiellement importante. …/…

 

Comment ces « passagers clandestins » arrivent-ils à embarquer ? 

En fait, à la suite des attentats du 11 septembre, a été mis en place le code ISPS (International Ship and Port Security). Il s’agit d’un ensemble de normes visant à garantir la sûreté maritime au nom de la lutte anti-terroriste. Et aujourd’hui, pour être compétitifs, les ports doivent répondre à ces conditions, démontrer aux armateurs que leurs dispositifs sont ultra-sécurisés, et être internationalement reconnus en tant que « ports sûrs ». Dans le monde entier, on assiste à une fortification des ports. Clôtures de plusieurs mètres de haut électrifiées, scanners, détecteurs de battements de cœur, caméras mobiles et waterproof sondant les différents bassins, etc. Les ports de commerces, lieux de passages et d’échanges, sont devenus des enceintes « high tech » visant à empêcher notamment les migrants d’y entrer ou d’en sortir. A Tanger par exemple, sur certains endroits clés de l’enceinte, il y a des dispositifs de reconnaissance digitale pour ficher les gens. Et tout ça, bien sûr, est conçu, construit et géré par des entreprises privées. 

Donc, pour embarquer, les migrants doivent compter la plupart du temps sur des complicités. Sinon, certains contournent le port par la mer, à l’aide de grosses bouées, et ils s’accrochent ensuite sur les chaînes des ancres pour grimper dans le bateau, au risque de leur vie. A Abidjan par exemple, certains corps ont été retrouvés broyés dans les engrenages de remontée de chaîne automatique. En fait, plus il y a de dispositifs de sécurité, plus ceux qui souhaitent partir élaborent des stratagèmes dangereux… …/…

 

Ce que vous démontrez en fait c’est la privatisation totale de la frontière…

Oui. Un migrant peut être arrêté, enfermé, refoulé sans jamais passer devant un avocat, ni un interprète, sans même jamais avoir affaire à un représentant de l’État. Ce sont les entreprises de sécurité, les commandants de bords, les armateurs et les P&I, ces fameux assureurs, qui sont les acteurs de cette gestion. Ils tentent de trouver la solution la moins chère et la plus rapide pour se débarrasser du « passager clandestin » qui freine leur activité. Tous ces acteurs maritimes sont dans des logiques purement économiques et financières. 

 

Propos recueillis par Agathe Marin

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