Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
11 octobre 2011 2 11 /10 /octobre /2011 06:02

Point de vue de l’association ADA de Grenoble

L'ADA, association dédiée à la défense des droits des demandeurs d'asile, est une organisation apolitique. Ceci ne l'empêche pas de porter une critique des politiques prises dans le domaine du droit d'Asile, et plus généralement dans celui de l'accueil des étrangers dans notre pays, lorsque celles-ci nient les droits élémentaires et la dignité des personnes.

L'illustration la plus récente en est la nouvelle gestion imposée aux structures d'hébergement des demandeurs d'asile, qui n'est rien d'autre qu'un détournement radical de la notion de "normes minimales d'accueil" imposée par une directive européenne de 2003 aux Etats membres de l'Union européenne.

La protection des demandeurs d'asile relève en effet d'une obligation internationale que la France s’est engagée à respecter lorsqu’elle a signé la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés. Au niveau européen, la directive 2003/9/CE du 27 janvier 2003 prévoit que l'État doit fournir aux demandeurs d'asile "le logement, la nourriture et l'habillement en nature ou sous forme d'allocation financière ou de bons, ainsi qu'une allocation journalière". Il doit par ailleurs prendre les mesures qui leur garantissent "un niveau de vie adéquat pour leur santé" et pour "assurer leur subsistance".

Or, dans une circulaire datée du 24/05/2011, le Ministre de l'Intérieur impose une conception minimaliste, pour ne pas dire négative, de l'hébergement des demandeurs d'asile. Cette circulaire demande aux Préfets de limiter l'hébergement d'urgence au logement stricto sensu – c'est-à-dire un simple abri pour la nuit – sans aucun accompagnement social ou administratif. L'accompagnement est laissé à la charge des associations caritatives et des bénévoles, déjà largement submergées. Cette décision contredit le Code de l'Action Sociale et des Familles (CASF art. L345-2), et la Loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre les exclusions du 25 mars 2009, qui imposent le principe d'un droit à l'accompagnement personnalisé des personnes accueillies.

Cette circulaire nie la vocation même de l'hébergement d'urgence, qui n'a aucun sens sans l'intervention d'un travailleur social, dont la tâche consiste à accompagner les personnes dans les très nombreuses démarches administratives auxquels ils font face. Les associations ne peuvent pas être utilisées comme un palliatif aux déficiences de l'Etat.

En outre, la circulaire du 24/05/2011 impose aux Préfectures d'exiger des structures d'hébergement, de mettre à la rue les personnes et familles dont la demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA en procédure prioritaire, ou par la CNDA dans un délai de un mois. Une mesure en contradiction totale avec le principe de l'accueil inconditionnel. Ce dernier, imposé par le Code de l'Action Sociale, implique que toute personne à la rue, en situation régulière ou non, a "accès à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence." Enfin, le principe de la continuité de l'hébergement est garanti par la loi relative au droit au logement opposable de mars 2007.

Enfin, la Préfecture de l'Isère menace de mettre en place une application très restrictive de l'hébergement en période hivernale – sans accompagnement social, en fonction uniquement de critères climatiques, et dans des locaux collectifs ad-hoc qui ne relèvent en aucun cas du logement ou de l'hébergement d'urgence.

La circulaire du 24/05/2011 signe tout simplement l'arrêt de mort des structures chargées de l'hébergement d'urgence, dont le travail social est totalement nié. Elle se combine à une réduction drastique des moyens alloués aux CADA, réduisant ces derniers à des centres d'hébergement dont les capacités en terme d'accompagnement sont réduites au minimum.

Contredisant les principaux textes codifiant l'hébergement d'urgence, son application représente la négation même de ce que doit être l'hébergement d'urgence, et à priori l'accueil des demandeurs d'asile, une population particulièrement fragilisée et soumise à des contraintes administratives lourdes et complexes. L'hébergement n'est pas un simple abri, mais relève d'un indispensable travail social d'accompagnement.

Elle conduit à l'asphyxie rapide des associations à vocation humanitaire, parmi lesquelles se compte l'ADA.

Petit à petit, les quelques droits ouverts aux personnes venues demander la protection de notre pays sont grignotés, sous un prétexte de restrictions budgétaires qui cache mal un objectif visant à interdire l'accès de ces personnes à notre territoire. Les commentaires du Ministère de l'Intérieur devant la mort de six personnes dans l'incendie de leur squat à Paris le 28 septembre dernier, met des mots sur cette politique. Ils dénoncent en effet les "filières criminelles" et l'immigration illégales, alors que la responsabilité de ce drame en revient bien aux déficiences de notre République, incapable d'accueillir de manière décente des gens qui, ayant fui des guerres, des violences, des répressions, sont venus chercher asile chez nous.

Ces squats se multiplient à Grenoble, où des gens s'entassent dans des parkings souterrains, des bâtiments en ruine, des jardins. Certains ne sont toujours pas parvenus à entrer à la Préfecture y déposer une demande d'asile. D'autres sont depuis plusieurs mois en train de poursuivre les démarches qui leur permettront peut-être d'obtenir une protection de la France. Ils dorment à même le sol, au milieu des excréments, sans eau, sans électricité, sans garantie d'obtenir un repas ou de retrouver un abri pour la nuit suivante, et sans réel soutien pour mener à bien leurs demandes d'asile et suivre les nombreuses démarches nécessaires à la vie dans notre société.

La mort de 6 personnes le 28/09/2011, le jugement sur l'incendie qui, en août 2005, a causé la mort de 17 personnes habitant un immeuble insalubre à Paris, nous interpellent directement, en tant que citoyens. Il ne s'agit pas uniquement de déficiences graves de l'Etat dans ses obligations d'héberger. Il s'agit avant tout des fruits d'une politique de restrictions successives, chassant ces personnes aux interstices de notre société, aux marges de l'acceptable, et bien souvent au-delà de la simple dignité.

 

squat-grenoble.jpg

photo d'un squat grenoblois de demandeurs d'asile.

 

Téléchargez le communiqué de presse au format .pdf

Téléchargez la circulaire du 24/05/2011 du Ministère de l'Intérieur

Partager cet article
Repost0

commentaires