Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
9 avril 2014 3 09 /04 /avril /2014 00:59

01 AVRIL 2014 PAR YVES FAUCOUP publié intégralement sur mediapart http://blogs.mediapart.fr/blog/yves-faucoup/010414/demandeurs-d-asile-des-droits-qui-s-enfuient

.

A l’époque de Nicolas Sarkozy, il fallait batailler ferme avec les préfectures pour les militants des droits de l’homme qui luttent auprès des demandeurs d’asile. Ils avaient espéré qu’avec l’arrivée de la gauche, il y aurait davantage de respect envers ces hommes, ces femmes, ces enfants qui, dans leur grande majorité, fuient des conditions de vie insupportables. Que nenni ! La dernière circulaire du ministre de l’Intérieur a pour effet de restreindre les droits fondamentaux des migrants et certaines pratiques préfectorales, rapportées par le Réseau Education Sans Frontières (RESF), sont particulièrement scandaleuses. …/… Exemple.

.

La préfecture du Gers, petit département de 184 000 habitants, a longtemps admis que lorsque les déboutés du droit d’asile quittaient le Centre d’accueil de demandeurs d’asile (CADA), ils pourraient se rendre dans une association d’insertion, REGAR, qui les hébergeait (sur financement public). Lorsque REGAR n’avait plus de place, ces déboutés étaient contraints à rester dans la rue. Ce qui passe presque inaperçu dans une métropole, était trop visible dans une ville moyenne telle qu'Auch : la préfecture leur proposait alors l’hôtel, en attendant que les différents recours légaux soient effectués.

.

…/…

.

Assignation à … l’hôtel

Dans le Gers, cette proposition d’hébergement hôtelier s’est transformée rapidement en assignation à résidence… à l’hôtel. On ne peut pas dire, a priori, que ce n’est pas généreux. C’est une solution qui paraît bien préférable à l’envoi du père en centre de rétention, et de la mère et des enfants à la rue. Hypocrisie du système : puisqu’au pays des droits de l’homme on ne peut envisager que des enfants soient « emprisonnés », on les condamne bien souvent à la rue, s’ils ne sont pas hébergés avec leur mère dans une structure d’accueil. Donc l’hôtel c’était presque rassurant. Cette procédure a fait que les militants de RESF n’ont plus eu de nouvelles de déboutés sortant du CADA, persuadés que l’on n’était plus confronté à des situations dramatiques.

.

Demandeurs d’asile : des droits qui s’enfuient

.

Les « cercles de silence » cessèrent : ils avaient été organisés, longtemps devant la cathédrale, pour protester contre les conditions imposées aux réfugiés. Comme le comportement de la préfecture semblait s’être humanisé, cette manifestation sans slogan fut abandonnée.

.

Puis le réseau RESF a découvert avec stupéfaction ce qu’impliquent concrètement ces assignations à résidence, dont il n’avait été informé ni par la préfecture, ni par le CADA. Les déboutés n’avaient plus la possibilité réelle de faire appel à ceux qui pourraient les défendre, avec sollicitation d’un interprète, avec préparation des dossiers de recours. Certes, le centre de rétention n’est pas un oasis de paix, mais la Cimade peut légalement y accéder pour permettre aux « retenus » de faire valoir leurs droits. A l’hôtel c’est l’isolement total.

…/…

.

Contrairement à sa tradition, la France est aujourd’hui loin d’être le pays qui accueille le plus de réfugiés (l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Suède sont bien plus accueillants). Tout un discours de propagande cherche à monter en épingle quelques cas d’abus, pour jeter la suspicion et le discrédit sur l’ensemble des demandeurs d’asile..

…/…

.

Le Réseau Education Sans Frontières du Gers a décidé de reprendre les Cercles du Silence. Le premier devrait avoir lieu ce soir 1er avril à 18 h. à Auch sur le parvis de la place de la mairie.

.

Au moment où je mets sous presse, ou, plus exactement, en ligne, le ministre de l’Intérieur Manuel Valls vient d’être nommé premier ministre. Pour tout ce qui précède et pour bien d’autres raisons (les électeurs de gauche qui se sont massivement abstenus lors des élections municipales faisaient manifestement payer au gouvernement une gouvernance trop à droite), ce choix est de mauvais augure. Quitte à la ramener un peu, je signale que le 17 janvier dernier j’ai mis un billet en ligne intitulé Après le Pacte de responsabilité : pour un pacte de solidarité. J’ai repris cette formule dans mon tout dernier billet sur L’abstention des victimes de la Finance, avec cet inter-titre : Pour un « contrat de solidarité ». Le Président de la République, dans son allocution du 31 mars, a déclaré textuellement qu’« au pacte de responsabilité, doit correspondre un pacte de solidarité ». Je ne le lui fais pas dire. Chiche. Non seulement « donner du pouvoir d’achat aux classes populaires et aux « petites » classes moyennes », comme je l’écrivais, mais aussi rappeler que la France est une terre d’accueil et que ses gouvernants, par respect pour sa Constitution, n’ont pas à trahir les idéaux de justice et de fraternité et à chercher à concurrencer l’extrême droite dans son rejet viscéral des étrangers, y compris de ceux qui fuient leur pays victimes de persécutions.

Partager cet article
Repost0
6 février 2014 4 06 /02 /février /2014 00:41
Quelques idées reçues sur l’asile

Publié intégralement ici http://www.liberation.fr/politiques/2014/01/29/quelques-idees-recues-sur-l-asile_976391

.

Annoncée au début de l’été par le ministre de l’Intérieur et préparée par deux parlementaires en concertation avec les institutions et associations concernées, une réforme de l’asile sera prochainement présentée par le gouvernement. Elle est nécessaire, tant le dispositif actuel souffre de carences préjudiciables aux requérants, et elle est bienvenue si elle tient compte de l’expérience de l’ensemble des acteurs.

…/…

L’asile est l’une des institutions les plus anciennes puisqu’on en fait remonter l’origine à l’asulon grec et à l’asylum romain, mais il n’a commencé qu’au XXe siècle à faire l’objet d’une régulation internationale, culminant avec la signature de la convention de Genève sur les réfugiés en 1951. …/… L’asile n’est donc pas une faveur mais un droit qui implique en retour des obligations pour celles et ceux à qui on l’accorde.

.

Au milieu des années 70, en France, sur dix demandeurs, neuf l’obtenaient après examen de leur dossier par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). Trois décennies plus tard, c’était le cas pour moins de un sur dix.

.

Entre-temps, l’immigration était devenue une question centrale dans le débat public, faisant l’objet de politiques toujours plus restrictives, et le thème des «faux réfugiés» s’était banalisé, jetant un discrédit durable sur les demandeurs d’asile, suspectés de vouloir profiter d’un statut avantageux alors qu’ils seraient en fait des migrants économiques. Ce qu’on appelle la crise de l’asile est donc, pour les uns, le dévoiement d’un droit à la protection, dont abuserait la majorité des requérants, et pour les autres, le recul de ce droit, qui serait désormais subordonné au contrôle de l’immigration. Qu’en est-il ?

Première idée reçue : la baisse de la proportion des demandeurs auxquels on octroie l’asile est la conséquence de l’augmentation du nombre de requérants, à cause de l’afflux de faux réfugiés. Il est certes avéré qu’à partir de la fin des années 70, tandis que les portes de l’immigration se ferment, la quantité de dossiers déposés s’accroît. Jusqu’alors, la plupart des personnes susceptibles de demander une protection se contentaient d’un contrat de travail qui leur valait titre de séjour en leur épargnant le parcours bureaucratique de l’asile. La progression du nombre de demandeurs n’est toutefois pas corrélée à la chute de la proportion d’obtentions de l’asile à l’Ofpra. Durant la décennie 1980, on a 29 400 requérants par an pour un taux moyen de reconnaissance de 55%. Pendant les années 90, alors que le chiffre des demandes est presque inchangé, soit 29 700, la proportion de statuts obtenus est déjà tombée à 21%. La décennie suivante connaît une augmentation modérée avec 39 300 dossiers, pour une chute du taux moyen plus marquée, à 12%. En réalité, plus qu’une évolution quantitative, c’est un changement qualitatif qui est intervenu, dans le regard porté sur les demandeurs d’asile. Dans les années 70, les réfugiés fuyant les dictatures d’Amérique latine semblaient dignes d’admiration, tandis que les boat people, victimes du communisme en Asie du Sud-Est, suscitaient la compassion.

Bien qu’aujourd’hui la répression contre les militants des droits de l’homme tchétchènes, sous la dictature de Kadyrov, ne soit pas moindre que celle contre les opposants chiliens, hier persécutés par Pinochet, et que le sort des habitants de l’est de la république démocratique du Congo où la guerre a fait entre un et trois millions de morts ne soit guère meilleur que celui des Vietnamiens trois décennies plus tôt, Tchétchènes et Congolais sont, pour près de neuf sur dix d’entre eux, déboutés par l’Ofpra.

…/…

Deuxième idée reçue : la preuve que la majorité des requérants sont des faux réfugiés, c’est que l’Ofpra en déboute neuf sur dix et que la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), qui réexamine les dossiers en appel, en rejette quatre sur cinq. Ce raisonnement suppose que les officiers de l’Ofpra et les magistrats de la CNDA ne se trompent pas dans leur évaluation des demandes, accordent l’asile aux vrais réfugiés et le refusent aux faux. Or, quels que soient les détails apportés dans les récits des requérants, les documents fournis à l’appui de leurs demandes, voire les certificats médicaux et psychologiques attestant les séquelles de leurs persécutions, nul ne peut avoir une certitude absolue sur la véracité des faits allégués. Comme le disent les agents eux-mêmes, c’est au bout du compte leur intime conviction qui les guide. …/… Dans une enquête, que nous avons réalisée à la CNDA sur un échantillon de formations de jugement, les taux de reconnaissance allaient de 8% à 36%, et les écarts seraient encore plus grands si on considérait la totalité des magistrats. A cet égard, une étude conduite aux Etats-Unis sur 300 000 dossiers donne des résultats édifiants, avec des proportions de rejets allant de 9,8% à 96,7% en fonction du juge.

…/…

Troisième idée reçue : la France ne peut pas prendre en charge toute la misère du monde. En réalité, sur les 15 millions de réfugiés dans le monde, les quatre cinquièmes se trouvent dans les pays voisins. Le Pakistan en compte 1,7 million, l’Iran près de 900 000, le Kenya 560 000, alors que la France assure la protection de 160 000.

…/…

Au moment où se prépare une réforme cruciale de l’asile, il importe que ministres, parlementaires, citoyens qui vont en débattre, le fassent non en se fondant sur des idées fausses qui servent depuis plusieurs décennies à justifier la baisse de la reconnaissance du statut de réfugié, mais sur la simple vérité des faits.

Coauteur de : «Juger, réprimer, accompagner. Essai sur la morale de l’Etat», éd. Seuil, 2013.

Didier FASSIN Professeur à l’Institute for Advanced Study de Princeton

Partager cet article
Repost0
21 décembre 2013 6 21 /12 /décembre /2013 08:16
Droit d’asile, l’urgence des réformes à engager

Selon Jean-Claude Mas, secrétaire général de la Cimade, une refonte de la politique d’asile et d’immigration est nécessaire.

.

Pour une association de solidarité active auprès des personnes migrantes, demandeurs d’asile et réfugiés comme la Cimade, les attentes au soir du 6 mai 2012 étaient grandes, tant la politique d’asile et d’immigration des années 2000 a été brutale et injuste, contribuant avec pas moins de cinq lois en sept ans à des durcissements successifs des conditions d’entrée et de séjour des personnes étrangères. Dix-huit mois après, les attentes sont toujours là et l’incompréhension grandit.

.

La Cimade, comme d’autres associations, a très rapidement attiré l’attention du nouveau gouvernement sur les dispositions les plus insupportables et l’urgence des réformes à engager, appelant à une véritable refonte de la politique d’asile et d’immigration.

.

Politique d’asile

Certes, des mesures ont été prises pour améliorer le sort des étudiants étrangers, mettre fin à la franchise AME (aide médicale d’État) et au délit de solidarité, faciliter par voie de circulaire les possibilités de régularisation principalement de parents d’enfants scolarisés… Mais, dix-huit mois après, ce sont bien les lois des années 2000, en leur temps fortement décriées par l’actuelle majorité, qui continuent d’être appliquées, laissant des milliers d’hommes et de femmes se confronter aux refus arbitraires des préfectures, être expulsés sans pouvoir faire valoir leurs droits, ou tenter de survivre sans hébergement.

Faut-il voir dans ce maigre bilan d’étape une forme d’adhésion tacite à la politique menée par le gouvernement précédent, aboutissant dans les faits à une politique de continuité ? Si elle se confirmait, cette hypothèse serait dramatique. Elle plongerait dans le désarroi tous ceux qui espèrent et croient en une autre politique d’asile et d’immigration, fondée sur des valeurs d’hospitalité, de solidarité et de vivre-ensemble.

.

L’étranger

Autre explication avancée, le souhait d’instaurer un agenda de réformes étalé dans le temps long du quinquennat pour ne pas brusquer une opinion publique malmenée par la crise et moins encline aux solidarités collectives. Le climat actuel nécessiterait ainsi d’attendre un moment plus approprié pour réformer, après les élections municipales et européennes par exemple. Mais à suivre cette deuxième hypothèse, est-on si sûr que la période post-électorale sera réellement plus propice ?

Face à la montée et la banalisation inquiétantes des actes et expressions de rejet de « l’étranger », le gouvernement ne devrait-il pas au contraire engager urgemment les réformes et porter un discours de clairvoyance et d’apaisement, réaffirmant les valeurs de solidarité et de vivre-ensemble, déconstruisant les idées reçues et les représentations fantasmées à l’égard de « l’étranger » ?

.

Pas d’invasion

Même si la situation socio-économique actuelle est difficile, on doit dire et redire que la France n’est ni envahie ni menacée d’invasion. Son solde migratoire est en moyenne de 110 000 personnes par an depuis quarante ans. Les demandes d’asile augmentent mais n’ont pas été plus nombreuses en 2012 qu’en 1989, et placent la France au neuvième rang européen des pays d’accueil si l’on prend en compte la taille de sa population. Le nombre de personnes immigrées est stable depuis 1975 et représente 8,4 % de la population française. 200 000 à 400 000 personnes sont sans papiers mais la plupart contribuent, par leur travail, au fonctionnement de l’économie française.

Et puis non, l’immigration ne coûte pas à la France, elle rapporterait plutôt ou serait relativement neutre si l’on en croit plusieurs études récentes dont celle de la très conservatrice OCDE. Si l’État, premier garant de l’intérêt général et de la cohésion sociale, ne le dit pas, qui va le dire ?

.

Droit des personnes

Réviser les critères de régularisation et leur donner force de loi pour sortir de la précarité et de l’insécurité juridique et sociale un grand nombre de personnes ayant construit leur vie en France, garantir le séjour des personnes étrangères gravement malades, réformer le système d’asile insuffisamment calibré pour assurer l’égalité de traitement des demandeurs d’asile en matière de délais et qualité d’instruction, d’accompagnement social et d’hébergement, modifier les procédures d’éloignement forcé bafouant les droits des personnes, en finir avec le régime de non-droit prévalant dans certains territoires d’outre-mer…

.

Le temps presse.

.

Jean-Claude Mas

Partager cet article
Repost0
28 novembre 2013 4 28 /11 /novembre /2013 05:10

Alors que le Front National propose des mesures radicales pour contrôler l’immigration, et que Jean-François Copé a exprimé le 22 octobre sa volonté d’abolir le « droit du sol » - c’est-à-dire d’abolir l’acquisition de la nationalité pour un enfant né en France de parents étrangers - la question des politiques migratoires est plus que jamais dans le débat public.

.

La réforme d’un thème aussi sensible que l’immigration, n’a pas cessé d’être repoussée : un projet de loi devrait être adopté « courant 2014 », après l’échéance électorale des municipales…

.

Pour faire la part des choses, le ministre de l’Intérieur a d’ailleurs décidé de faire deux lois distinctes, une pour le droit d’asile spécifiquement et une autre sur l’immigration, pour que l’amalgame entre réfugiés et immigrés cesse.

Pour décortiquer ce sujet délicat, France CULTURE recevait le 21 novembre François Gemenne, chercheur et enseignant en sciences politiques à l'Université de Versailles et à l'Université de Liège, expert associé au CERI - Sciences Po, et spécialiste des politiques migratoires.

.

pour écouter l'émission :

http://www.franceculture.fr/emission-les-matins-droit-du-sol-droit-du-sang-droit-d%E2%80%99asile-2013-11-21

Partager cet article
Repost0
12 novembre 2013 2 12 /11 /novembre /2013 05:41
Aujourd'hui une grande partie de la politique migratoire en Europe est définie en terme sécuritaire

Catherine de Wengen : "Aujourd'hui une grande partie de la politique migratoire en Europe est définie en terme sécuritaire"

Article publié intégralement icihttp://www.touteleurope.eu/index.php?id=30&tx_atoltlecontenus_base[baseContent]=7813&cHash=443eab877e9114310c49ee884cbc2941

Absence de moyens de l’agence européenne Frontex, carences des accords de Schengen, manque de cohésion, depuis le drame de Lampedusa les critiques tombent en rafale. La politique d'asile et d'immigration de l'UE poursuit-elle toujours les mêmes objectifs depuis la mise en place des accords de Schengen ? Peut-on éviter de nouveaux drames humains ? Le point avec Catherine de Wenden, directrice de recherche au CNRS (CERI), docteur en science politique (Institut d'études politiques de Paris), spécialiste des migrations internationales.

.

Comment jugez-vous la façon dont la question de la politique européenne d'immigration et d'asile a été traitée lors du dernier sommet européen ?

La réponse essentielle a été sécuritaire. …/….
Ce n'est pas une réponse très positive de la part de l'Europe, qui en même temps tire un profit de l'immigration économiquement et qui s'en sortirait encore mieux si elle avait une immigration plus ouverte, plus fluide entre les deux rives de la Méditerranée.

.

L'Union européenne peut-elle faire en sorte d'éviter des drames comme celui de Lampedusa ?

D'une part, même si ce n'est pas la solution, on pourrait éviter certains drames si le passage se faisait librement et si le "tri" était réalisé à l'accueil comme c'était le cas aux Etats-Unis dans les années 1880 jusqu'en 1924.

La solution serait plutôt du côté de l'ouverture d'autres filières de l'immigration et de la légalisation des secteurs qui permettent à plus de personnes d'entrer par des voies légales et non pas par le biais des passeurs. C'est la première voie.

Deuxièmement, il faudrait permettre à plus de catégories de regroupement familial d'entrer. Beaucoup de personnes ont choisi la voix illégale parce qu'ils n'ont pas réussi à entrer légalement compte tenu des critères du regroupement familial qui ont été durcis.

Enfin, le droit d'asile aujourd'hui est très frileux dans la plupart des pays européens. S'il y avait plus d'individus qui avaient la chance d'obtenir l'asile, ils seraient moins nombreux à être reconduits chez eux parce qu'on considère qu'ils ne sont pas candidats à l'asile.

Si on légalisait davantage l'immigration, considérée pour l'instant irrégulière, il y aurait moins de filières de passage.

…/…

Les Etats ont prévu de se retrouver après les élections européennes de mai 2014 pour avancer sur la politique d'immigration et d'asile : que peut-on en attendre ?

On n'arrêtera pas le flux d'immigration simplement avec une décision sécuritaire.
Je crains qu'il y ait d'autres "Lampedusa". Il ne faut pas oublier tous les autres drames dans le passé, il y a eu une quinzaine de milliers de morts en 10 ans en Méditerranée.

Il faut plutôt prendre en compte le fait que l'Europe est une grande destination de l'immigration et de faire en sorte que les choses se passent mieux pour que la migration soit davantage un facteur de développement pour l'Europe et donc permettre à plus de personnes d'entrer légalement pour mieux s'insérer dans les pays européens et sur le marché du travail.

Si le verdict sécuritaire est fort au lendemain des élections européennes, cela risque de conforter les décideurs européens de poursuivre une politique migratoire basée sur le volet sécuritaire.

Partager cet article
Repost0
31 octobre 2013 4 31 /10 /octobre /2013 05:34

Il y a l'odeur du sang qui flotte sur ses rives
Et des pays meurtris comme autant de plaies vives,
Des îles barbelées, des murs qui emprisonnent.
Il y a un bel été qui ne craint pas l'automne,
En Méditerranée.

Dans ce bassin, je jouais lorsque j'étais enfant.
J'avais les pieds dans l'eau. Je respirais le vent.
Mes compagnons de jeux sont devenus des hommes,
Les frères de ceux-là que le monde abandonne,
En Méditerranée.

                         Georges Moustaki 

Des côtes du Sénégal aux côtes de Syrie, chaque jour des femmes, des enfants, des hommes montent dans des embarcations de fortune ou de la dernière chance où ils laissent effectivement fortune et parfois la vie. Des pateras aux chaluts, dans l’odeur poisseuse de l’angoisse, du mazout, du poisson, ils se serrent silencieusement, côte à côte. Combien de leurs ancêtres ont été arrachés à leurs pays, transportés à fond de cale, vendus…Signe des temps, cynisme des sociétés civilisées, aujourd’hui, les esclaves modernes payent eux-mêmes leur traversée.

Combien de leurs aïeux invités à donner leurs vies pendant nos dernières guerres européennes sur notre sol, le long de nos frontières, au fond de nos tranchées ?

Autant de destins joués sur une destination.

Vingt mille noyés en vingt ans en Méditerranée. Au nom de quoi fuient-ils leurs côtes, au nom de quoi leur interdire les nôtres. Quelle théorie ou mesure de protectionnisme peut démontrer que les effets d’une migration acceptée et accueillie sont plus risqués que le fait de perdre la vie ?

Parmi eux, une jeune femme, enceinte, qui mettra au monde son enfant, comme elle peut, dans le fond d’une barque.

.

Au nom de quel danger faudra-t-il qu’elle disparaisse sous les eaux, quelques heures plus tard, avec son nouveau-né ?

Parmi eux, demain peut être l’un des jeunes que nous accompagnons sur un bout de son périple et qui partage insouciamment avec nous le jeu des vagues sur les plages d’Alger.

Au nom de quelle loi celui qui échappe à la mort dans son pays doit-il la trouver sur les côtes européennes ?

Parmi eux, celui sur qui compte sa famille pour survivre, comme certains de nos ancêtres l’ont fait.

Au nom de quelle logique, les biens et les richesses voyagent ils librement, lorsque les hommes en sont empêchés, surtout d’Est en Ouest et du Sud au Nord ?

Côte à côte, alignés, dans vos cercueils de bois, barques immobiles, pour une ultime traversée.

Dans la maladresse de l’émotion et de la honte vous a été accordée à titre posthume la nationalité du pays de votre mort. Quelques cent cinquante survivants du même naufrage seront, eux, poursuivis en justice pour entrée illégale et recel de vie sauvegardée.

Indiens d’aujourd’hui, faudra t-il désormais dire des migrants, qu’un bon migrant est un migrant mort ?

Dans l’adresse du calcul, on parle de renforcer les moyens des agences de protection de l’Europe, Frontex et Eurosur dont le devoir est de « surveiller », et l’on continue de condamner les bateaux de pêche qui se portent, bord à bord, au secours des survivants, au nom du « veiller sur ».

L’Europe a-t-elle oublié ses propres migrants fuyant les menaces de la guerre ou de la pauvreté économique ? A-t-elle oublié que le soutien américain et différents plans d’aide ont permis son redressement économique et sa participation au développement des échanges. N’a-t-elle pas saisie qu’il vaut mieux être partenaire qu’exploiteur ? Aurait-elle oublié sa redevabilité à défaut de sa générosité ?

L’Europe, prix Nobel de la Paix, ne mériterait elle pas plutôt d’être poursuivie pour crime contre l’humanité ? Car permettre la traite d’êtres humains, leur souffrance et leur mort au nom d’une logique sécuritaire préventive et non fondée s’apparente à ce qu’il faut bien appeler un crime.

Le taire  ou détourner les yeux ferait de nous des complices.

Encore combien d’autres, côte à côte, alignés, dans vos cercueils de bois, barques immobiles, pour une ultime traversée…

Jean-François DEBARGUE

http://ap-so.blogspot.fr/search?q=Debargue+

Partager cet article
Repost0
30 octobre 2013 3 30 /10 /octobre /2013 05:09

Blog « Journal d’un avocat »

Par Eolas . publié intégralement à cette adresse Source TERRA : http://www.maitre-eolas.fr/m/post/2013/10/20/L-affaire-Leonarda

.

La France s’est cette semaine prise de passion pour le droit des étrangers, ce qui ne peut que me réjouir, tant cette discipline est largement ignorée du grand public, ce qui, nous allons le voir, est parfois mis à profit sans la moindre vergogne par nos dirigeants pour se défausser de leurs responsabilités.

…/…

Leonarda est une jeune fille de 15 ans, scolarisée dans le joli département du Doubs, en France-Comté. Elle n’est pas, d’un point de vue juridique l’héroïne de cette affaire, mais plutôt une victime collatérale. Le vrai protagoniste est son père, Resat D….

Resat D… donc est né au début des années 70 (1973-1974 semble-t-il) au Kosovo, dans une famille Rrom.

.

Kosovo, terre de contraste et d’aventures

Le Kosovo est un territoire de la taille d’un département français, qui affecte en gros la forme d’un losange de 100 km de côté. Situé à la pointe sud de la Serbie, il est l’alpha et l’oméga de la guerre, ou plutôt des guerres qui ont déchiqueté la Yougoslavie dans les années 90. …/…

Le symbole de cette partition est la ville de Mitrovica (prononcer Mitrovitsa), coupée en 2 par un pont qui n’est pas vraiment celui de la concorde. Au nord, les Serbes du Kosovo, qui outre Mitrovica sont dans les villes de Zveçan, Zubin Potok et Leposavić, et refusent encore et toujours l’indépendance (ils boycottent les élections et la participation y est nulle), et au sud, les Albanais. Au milieu coule l’Ibar, et la haine. À Mitrovica, les voitures n’ont pas de plaques d’immatriculation, pour ne pas se faire caillasser par ceux de l’autre côté. Et entre ces deux communautés qui se haïssent, Albanais et Serbes, les Rroms. Ils sont haïs par les Albanais, qui ne leur pardonnent pas d’avoir été du côté des troupes serbes lors de la guerre (ils ont été victimes de pogroms pendant la guerre), et méprisés par les Serbes, qui se replient sur leur communauté et les rejettent comme des éléments extérieurs, d’autant plus qu’au Kosovo, ils sont majoritairement musulmans. Que ce soit clair : les discriminations vécues au quotidien par les Rroms au Kosovo sont certaines et avérées. Mais elles ne sont pas suffisantes pour fonder une demande d’asile sans faits précis et personnels. On va y revenir. Et c’est là que se retrouve aujourd’hui Resat D… et ses enfants, qui découvrent à cette occasion le Kosovo, terre de contrastes et d’aventure.

.

Aujourd’hui, le Kosovo est le 145e pays au monde en PIB/habitant, 45% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, 17% en dessous du seuil d’extrême pauvreté. Malgré son statut de paradis fiscal : tranche d’imposition la plus élevée : 10% ; impôt sur les sociétés : 10%. Et la monnaie est l’euro. Comme quoi.

Donc notre ami Resat est né au Kosovo à l’époque de l’ex-Yougoslavie. Cela semble à peu-près établi. Il en est parti, ce point est certain. C’est après que ça se gâte. Toujours est-il qu’en janvier 2009, il est heureux en ménage et arrive en France avec 5 enfants ; un 6e viendra égayer encore cette famille par la suite. Peu de temps après son arrivée en France, il a présenté une demande d’asile en même temps que sa compagne.

L’asile, procédure de contrastes et d’aventures

…/…

Pendant l’examen de sa demande, le demandeur d’asile a un droit au séjour, une couverture maladie, et pas le droit de travailler. Ce droit lui a été retiré par une loi de 1991. Déjà pour lutter contre la fraude et le chômage. J’en ris encore. À la place, le demandeur perçoit une allocation temporaire d’attente, qui lui est supprimée s’il est logé dans un centre d’accueil des étrangers (CADA). Oui. La solution trouvée par le gouvernement Rocard a été d’interdire à des travailleurs aptes de travailler, de les contraindre à l’oisiveté, et de leur verser une allocation. L’idée a dû sembler excellente car personne n’est revenu dessus. Et au passage, on peste sur ces étrangers venus ne rien faire et toucher des allocs. Ubuesque.

…/…

Revenons-en à notre ami Resat.

Arrivé en France, il présente une demande d’asile. Rrom Kosovar, il y a gros à parier que son récit prétendait qu’il habitait le Kosovo quand la guerre a éclaté en 1998. Les Rroms qui arrivent à établir qu’ils étaient au Kosovo en 1998-1999, et tout particulièrement à Mitrovica d’ailleurs, et l’ont fui à ce moment se voient en règle générale accorder l’asile. Leur retour au Kosovo est inenvisageable : ils sont vus comme des collaborateurs des Serbes, leur maison a été détruite ou saisie et les rancœurs sont encore vives. L’info a circulé, mais les OP connaissent très bien la situation au Kosovo et l’historique de la guerre. L’Office n’a pas été convaincue par le récit de Resat, et on sait à présent, de l’aveu du principal intéressé, que c’était à raison. Sa demande est donc rejetée. Il saisit la CNDA d’un recours, examiné en audience publique où il peut s’expliquer devant 3 conseillers, probablement assisté d’un avocat. Le rejet est confirmé. Il va demander un réexamen, qui sera rejeté par l’OFPRA, les faits nouveaux qu’il invoquait étant soit pas vraiment nouveaux, soit pas vraiment établis. La CNDA ne semble pas avoir été saisie d’un recours contre ce rejet.

Une fois la première demande rejetée définitivement, le demandeur d’asile devient étranger de droit commun.

Être étranger en France, vie de contrastes et d’aventure.

…/…

Le contentieux administratif, contentieux de contrastes et d’aventures.

…/…

Les circulaires, droit de contrastes et d’aventure.

…/…

Une conclusion riche en contrastes et en aventure

La conclusion du rapport de l’IGA est que la loi a parfaitement été respectée, et c’est une antienne qui a été souvent reprise. Et je reconnais volontiers que rien de ce que j’ai pu lire sur cette affaire ne m’a laissé penser qu’une illégalité avait été commise. Mais, car il y a un mais, on l’a vu, la loi dit que l’administration peut faire largement ce qu’elle veut, hormis quelques cas restreints. Dans ces conditions, c’est plutôt difficile de violer la loi. En outre, le rapport omet de se poser une question, qui ne figurait certes pas dans la lettre de mission : toute la procédure de reconduite s’est fondée sur les déclarations de Resat D… : il dit qu’il est kosovar ainsi que sa famille, renvoyons-le au Kosovo. Sauf que la procédure de reconduite résulte d’une décision de refus de séjour qui repose entre autres sur les mensonges de Resat D… Personne ne s’est dit que les seules déclarations de l’intéressé étaient une base un peu légère pour décider d’envoyer sans vérifications 8 personnes dont 6 mineures dans le coin le plus paumé de l’Europe (mais qui a la vertu; étant dépourvu de tout état civil, d’accepter toute personne qu’on lui envoie en disant qu’il est kosovar) ?

En ce qui concerne Leonarda, il est faux de dire que la loi a été respectée puisque son sort n’a jamais été examiné dans cette affaire. Elle est une victime collatérale de l’expulsion de son père, mais n’était pas en situation irrégulière en France et n’a violé aucune loi.

De même qu’il est incorrect d’invoquer l’autorité des décisions de justice, aucun juge n’ayant décidé ni du refus de séjour ni de la procédure de reconduite, ni de ses modalités. Tout ce qu’a dit la justice est que Resat D… n’a pas démontré l’illégalité de ces décisions. Ni plus ni moins. Et l’administration était libre de prendre, en toute légalité, la décision d’accorder une autorisation de séjour à la famille D… C’est un choix de l’État, pris par son représentant, le préfet : qu’il l’assume.

Un mot sur l’affaire elle-même, sur le phénomène médiatique qu’elle est devenue. La question des enfants scolarisés doit être prise à bras-le-corps et tranchée courageusement. Soit on ne veut plus les expulser, et je n’aurais rien contre, et dans ce cas il faut fixer les conditions de régularisation de leur famille. Soit on ne le veut pas et on assume les interpellations devant les caméras. Le faire honteusement, en catimini, en serrant les fesses pour que ça ne se sache pas est le signe d’une mauvaise solution. Car des Leonarda, il y en a des centaines.

L’exécutif a été ridicule dans cette affaire et je ne vois pas comment il aurait pu plus mal la gérer. Mais ce qui me choque le plus est de voir une jeune fille de 15 ans livrée en pâture médiatique, sans la moindre protection car sa famille n’a aucune expérience en la matière et ne réalise pas ce qui se passe. Ce que j’ai vu ces derniers jours est monstrueux, il n’y a pas d’autre mot : demander à une jeune fille de 15 ans de réagir en direct et à chaud, dans une langue qui n’est pas sa langue maternelle, à une proposition aberrante formulée par le président de la République en personne, qui interpelle une mineure pour lui faire une proposition alors que la loi française dit que seuls ses parents peuvent faire un tel choix, faire de ses moindres mots dits sous le coup de l’énervement une déclaration officielle, lui jeter à la figure un sondage disant que deux tiers des Français (soit 40 millions de personnes) ne veulent pas de son retour (en oubliant de dire que 99,8% des Français ne connaissaient rien à ce dossier ni au droit applicable), est-ce donc cela que nous sommes devenus ? Avons-nous perdu toute décence pour faire ainsi de la maltraitance sur mineur en direct ?

Ah, un dernier mot, ou plutôt un dernier chiffre. Le coût moyen d’une reconduite la frontière a été estimé en 2008, par un rapport de sénateur UMP Pierre Bernard-Reymond, à 20 970 euros par personne. Cette affaire a mobilisé, lisez le rapport de l’IGA, tout un aréopage d’agents publics, de policiers et de gendarmes, et a dû coûter aux finances publiques plusieurs dizaines de milliers euros (je dirais au moins 50 000 euros). Le budget annuel consacré aux reconduites à la frontière est sensiblement identique à celui de l’aide juridictionnelle : un peu plus de 400 millions d’euros.

Détruire la vie de jeunes filles est un luxe qu’on ne peut plus se permettre.

.

Source TERRA : http://www.maitre-eolas.fr/m/post/2013/10/20/L-affaire-Leonarda

Partager cet article
Repost0
13 septembre 2013 5 13 /09 /septembre /2013 10:33

Publié intégralement par IRIN http://www.irinnews.org/fr/report/98674/des-solutions-alternatives-%C3%A0-la-d%C3%A9tention-des-migrants-moins-co%C3%BBteuses-et-plus-humaines

JOHANNESBOURG, 2 septembre 2013 (IRIN) - Dans le monde entier, les pays confrontés à un afflux de migrants en situation irrégulière et de demandeurs d’asile sont de plus en plus nombreux à recourir à l’enfermement. Les États invoquent des préoccupations liées à la sécurité nationale et laissent entendre que ces mesures punitives inciteront les migrants sans papiers et les demandeurs d’asile à réfléchir à deux fois avant d’entrer sur leur sol.

En réalité, rien ne prouve que la menace d’une détention décourage la migration clandestine ou dissuade les personnes de demander l’asile. En revanche, il a été démontré que la détention peut avoir des conséquences néfastes sur la santé mentale et physique de presque tous ceux qui ont fait l’objet d’une détention.

.

Les groupes de la société civile se sont exprimés haut et fort sur les conséquences négatives de la détention sur les enfants et les autres groupes vulnérables. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) a par ailleurs rappelé que, conformément à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, des sanctions pénales ne peuvent être appliquées aux demandeurs d’asile du fait de leur entrée ou de leur séjour irréguliers, sous réserve qu’ils se présentent sans délai aux autorités.

Cependant, dans le climat économique actuel, c’est l’augmentation des coûts liés à la détention qui fait réfléchir les gouvernements. Grant Mitchell, directeur de l’International Detention Coalition (IDC), une fédération regroupant 300 organisations membres dans 50 pays, a indiqué que, s’il y a une « augmentation massive » du nombre de mises en détention dans plusieurs pays, « de la même manière, nous constatons que de nombreux États qui utilisent la détention depuis 15 ou 20 ans se rendent compte qu’elle est de plus en plus coûteuse, qu’elle est difficile à organiser et qu’elle ne suffit pas à dissuader les personnes ».

.


Changements de mentalité

…/…
Les solutions alternatives à la détention, même celles qui comprennent la fourniture d’un hébergement et diverses formes de soutien, sont moins chères que la détention.

…/…
De plus en plus souvent, les États sont juridiquement tenus de n’utiliser la détention qu’en dernier recours, particulièrement dans le cas des demandeurs d’asile et des enfants. L’année dernière, le HCR a élaboré de nouveaux principes directeurs relatifs à la détention des demandeurs d’asile qui mettent en avant le caractère illégal de la détention « arbitraire » lorsque des mesures alternatives moins coercitives n’ont pas été envisagées. La Directive de l’Union européenne sur le retour stipule également que les états membres ne doivent pas faire usage de la détention si « d’autres mesures suffisantes, mais moins coercitives, peuvent être appliquées ». Cependant, si bon nombre d’États de l’UE ont introduit dans leur droit interne des mesures alternatives à la détention, la majorité d’entre eux ne les appliquent pas, selon M. Amarel.

…/…

Il est important d’essayer de changer de perspective et de se demander, “Si j’étais à la place du demandeur, comment voudrais-je être traité ?”

De nouveaux modèles

Divers modèles ont été introduits dans différents pays avec des degrés variables d’efficacité. « Nous n’avons pas trouvé un seul pays disposant d’un modèle parfait, mais nous avons trouvé de nombreuses bonnes pratiques que l’on peut associer pour développer des programmes efficaces », a dit M. Mitchell, de l’IDC, qui a rédigé un manuel pour la prévention de la détention inutile des migrants.

Il a ajouté que les programmes les plus efficaces avaient des éléments communs, comme la fourniture d’une aide matérielle adéquate, la mise à disposition rapide de conseils juridiques gratuits et un système de gestion des dossiers qui permet d’informer les migrants à chaque étape du processus. « Bon nombre de gouvernements pensent que les conseils juridiques peuvent freiner une demande, mais nos recherches ont montré que des conseils juridiques et une intervention rapides contribuent à réduire le délai nécessaire pour traiter un dossier et à augmenter les chances de retour volontaire ».

.

« Traiter les personnes avec humanité et équité dès le début du processus contribue à un engagement effectif dans ce processus », a reconnu Alice Edwards, chef de la section de la politique de protection et des conseils juridiques du HCR, qui a rédigé en 2011 un rapport sur les solutions alternatives à la détention.

Mme Edwards et M. Mitchell ont cité un modèle utilisé en Belgique comme exemple de meilleure pratique. Le programme prévoit l’hébergement des migrants en situation irrégulière et des demandeurs d’asile avec enfants dans des appartements appartenant à l’État en attendant la résolution de leur dossier. Chaque famille se voit attribuer un « coach » chargé d’expliquer le processus d’immigration, de s’assurer que les besoins de base de la famille sont satisfaits et de prendre des rendez-vous avec les médecins, les avocats et les autorités en charge de l’immigration.

.

« Le principal objectif est de convaincre les familles de rentrer volontairement, mais cela n’est pas le seul objectif », a expliqué Geert Verbauwhede, conseiller de l’Office des étrangers belge. « Pour nous, l’issue est tout aussi positive si elles obtiennent un permis de séjour ».

Le programme, lancé en 2008, est mené à petite échelle, avec seulement 25 unités familiales, mais M. Verbauwhede a indiqué que, à l’avenir, l’élément de coaching ou de gestion des dossiers du programme pourrait également concerner les migrants qui vivent dans leur propre logement.

.

En Suède, une solution similaire est utilisée pour les demandeurs d’asile, dont environ 24 000 sont hébergés dans des appartements gérés par le Conseil suédois des migrations et 13 000 autres vivent chez des parents ou dans leur propre logement. Dès leur arrivée, ils sont accompagnés par un agent chargé du traitement des demandes d’asile et un agent d’accueil qui les aide à satisfaire leurs besoins quotidiens comme, par exemple, trouver une école pour leurs enfants et s’assurer qu’ils reçoivent une allocation de subsistance.

« Si les personnes sentent qu’on s’est occupé d’elles et que leur dossier a été correctement examiné, elles sont plus susceptibles d’accepter le résultat du processus », a dit à IRIN Niclas Axelsson, spécialiste des questions de détention au Conseil suédois des migrations. …/…

Partager cet article
Repost0
10 septembre 2013 2 10 /09 /septembre /2013 05:26

"La France une terre d'asile, vraiment ?"

Publié intégralement par LE MONDE http://www.lemonde.fr/idees/article/2013/09/06/une-terre-d-asile-vraiment_3472660_3232.html

Propos recueillis par Gaïdz Minassian et Nicolas Weill

.

Sanjay Subrahmanyam est un historien indien, né en 1961. Il s'est imposé comme l'une des grandes figures de ce qu'il appelle "l'histoire connectée", qui met en conversation les points de vue de l'Occident et ceux des peuples et des pays anciennement colonisés. Ses derniers ouvrages traduits en français sont Vasco de Gama (Alma, 2012) et Comment être un étranger (Alma, 2013, 348 p., 24 euros)

.

Que signifie être étranger dans la France d'aujourd'hui ?

Il faut évidemment distinguer plusieurs sortes d'étrangers. En France, quand on pense à un étranger, c'est d'abord à un Maghrébin ou à un Africain. Un jour viendra peut-être où l'on parlera davantage des Indiens et des Bangladais. Une personne comme moi, originaire du sous-continent indien, passe un peu inaperçue en France, et n'est pas stéréotypée à la manière d'autres types d'étrangers. Cela a des avantages, mais cela engendre aussi des confusions, par exemple si l'on me prend pour un immigré de Pondichéry, qui faisait partie de l'empire colonial français. Cela m'est arrivé au Portugal : être assimilé à un Goanais parce que je suis lusophone.

J'ai travaillé en France pendant sept ou huit ans et, quand j'en suis parti, on m'a traité d'apostat ou de renégat, car je ne manifestais pas une loyauté suffisante envers les institutions françaises! Mais ces appartenances multiples et ces façons diverses de percevoir quelqu'un sont réelles: on peut me percevoir par le biais de ma profession, de mes origines ou, de façon moins fine, comme un taliban barbu.

.

A l'ère de la mondialisation, quelle place occupe la France sur le plan intellectuel et international ? Est-elle irrémédiablement condamnée à n'être qu'une puissance moyenne ?

Depuis vingt ans, le changement politique n'a pas été si flagrant. Si changement il y a eu, c'est plutôt pendant les sept ou huit premières décennies du XXe siècle : entre la France de 1914 et celle des années 1980. En ce qui concerne la notion de pouvoir, la perte de l'empire colonial a impliqué un certain nombre de choses; mais il faut aussi parler – ce qui est peut-être plus compliqué – de la perte du poids culturel. En 1980, cette chute n'était pas évidente, puisqu'on parlait de la "French theory" dans les universités américaines. Philosophes et sociologues français étaient influents : Michel Foucault, Gilles Deleuze, Pierre Bourdieu. Aujourd'hui, ces figures ont disparu sans avoir été remplacées. …/…

.

Estimez-vous que la France a toujours du mal à assumer son passé, surtout son passé colonial ?

Est-ce que la France a plus de difficulté à assumer son passé colonial que les autres ex-puissances impériales ? Qui parle, aux Etats-Unis, de ce qui s'est passé aux Philippines aux XIXe et XXe siècles ? Personne, pas plus que l'on n'a assumé la guerre du Vietnam dans ce pays. La comparaison doit se faire aussi avec l'Angleterre: d'un côté, les Anglais ont mieux digéré leur passé colonial ; mais de l'autre, les Français ont une attitude moins dure envers les populations issues de leur ex-empire colonial. Le niveau de racisme que j'ai ressenti en Angleterre envers les Indiens et les Pakistanais est bien supérieur à ce qu'on vit avec les Maghrébins en France. Dans bien des milieux en Angleterre, on n'a aucune idée de ce qui s'est passé dans les colonies, et on croit parfois qu'il s'agissait simplement d'une belle aventure.

La vraie question est de savoir comment on enseigne ce passé. On peut très bien s'inscrire en licence d'histoire à l'université et passer à côté de l'histoire coloniale. Mais au sein même de l'histoire de la colonisation, on parle beaucoup moins de l'Indochine et de l'Afrique noire que de l'Afrique du Nord. Le Liban et la Syrie sont, du reste, très peu évoqués. Pourtant, l'influence française dans le Machrek a aussi laissé des traces. Après la première guerre mondiale, la France a joué un rôle considérable au Moyen-Orient. Mais est-on prêt à assumer ce passé-là ? Par exemple, l'origine du parti Baas [Irak, Syrie] doit beaucoup à des individus sous influence française.

…/…

.

France, terre des droits de l'homme et en même temps, pays où l'extrême droite ne cesse de se renforcer. Que vous inspire cette contradiction ?

De l'inquiétude. Quand on arpente les rues de n'importe quelle ville française, on se prend à penser que si un Français sur six a voté pour un parti d'extrême droite, cela fait beaucoup de monde, même si ce n'est pas affiché sur les visages des gens. Il est inquiétant de voir une minorité estimer que les personnes de couleur n'ont pas vraiment le droit d'être là, et qu'elles devraient plutôt rentrer "chez elles". Je l'ai vécu moi-même, pas tant en France qu'en Angleterre, où l'on m'a craché au visage en pleine rue. A Oxford, un jour, tandis que je marchais avec ma femme, une Américaine, je me suis fait traiter de "salopard d'imam".

Si la France est une terre d'asile, c'est un idéal. Mais quelle est la réalité? J'ai vu dans l'Eurostar des personnes menottées que l'on expulsait d'Angleterre pour être renvoyées, non pas en France, mais ailleurs.

…/…

"La France une terre d'asile, vraiment ?"
Partager cet article
Repost0
20 juin 2013 4 20 /06 /juin /2013 05:26

Par Carine Fouteau  

article intégral publié à cette adresse http://www.mediapart.fr/journal/france/120613/le-refugie-est-une-notion-fabriquee-au-gre-des-priorites-politiques 

 

1kakoka.jpg…/…Karen Akoka, chercheuse à l'université de Limoges au laboratoire Géolab,  post-doctorante a soutenu sa thèse de sociologie intitulée La fabrique du réfugié à l'Ofpra, du consulat des réfugiés à l'administration des demandeurs d'asile, 1952-1992, sous la direction d'Alain Tarrius et Patrick Weil, en décembre 2012, à l'université de Poitiers au laboratoire Migrinter.

 

Dans votre thèse, vous expliquez que le réfugié est une figure construite, qui est le résultat de rapports de force politiques à des moments donnés. Sur quels éléments vous fondez-vous ?

De sa création en 1952 jusqu’aux années 1970, l’Ofpra délivre très facilement le statut de réfugié. Le taux de reconnaissance avoisine les 90 %. …/… En 1985, pour la première fois, les rejets sont plus fréquents que les accords. Au début des années 1990, le taux tombe à 15 %. Certains regrettent les années 1950-70, ils en font un âge d’or, un moment où l’institution aurait été indépendante. En réalité, elle ne l’a jamais été, ni avant, ni après. …/…

Contrairement à une idée profondément ancrée, il n’existe pas de réfugié en soi. Il n’y a pas une essence de réfugié que les agents de l’Ofpra auraient pour mission de révéler, de reconnaître. Le réfugié est une notion fabriquée, qui se transforme au fil du temps, au gré des priorités politiques. Sa définition est le résultat de rapports de force. Au milieu des années 1920, alors que la révolution bolchévique pose un vrai problème à la France, réfugié égale russe. Un Italien ou un Espagnol fuyant le régime fasciste de son pays n’a aucune chance d’être reconnu comme réfugié. …/…

 

La Convention de Genève de 1951 définit le réfugié comme persécuté. Qu'en est-il de la neutralité de cette définition ?

Lors des négociations autour de la Convention de Genève, au début de la guerre froide, deux camps s’opposent : les puissances occidentales contre les États socialistes. Les premiers défendent une conception du réfugié comme persécuté. Les seconds défendent une conception du réfugié comme victime des violences et des inégalités socio-économiques dans une tradition communiste plus sensible aux droits collectifs. Au bout du compte, le bloc de l’ouest l’emporte. …/…

Récemment, l’ouverture du statut de réfugié aux potentielles victimes d’excision et de mariage forcé peut être entendue comme le passage à une période où l’ennemi absolu n’est plus le communiste, mais l’islamiste qui excise ses enfants et se marie avec plusieurs femmes. …/…

 

Dans votre thèse qui porte sur la période 1952-1992, vous distinguez deux périodes, le temps des réfugiés d’abord, le temps des demandeurs d’asile ensuite. Pourquoi cette articulation ? À partir de quelles évolutions l’observez-vous ?

Le passage d’une période à l’autre s’observe en partie à travers l’évolution des taux de rejets, du profil des agents, de la structure formelle de l’institution et des catégories d’intervention. Dans la première période qui s’étend jusqu’à la fin des années 1970, la catégorie d’intervention est celle de réfugié, les requérants sont tous appelés réfugiés même avant d’obtenir le statut, le mot demandeur d’asile n’existe pas. …/…

Le terme « demandeur d’asile » apparaît au début de la période suivante. Il désigne d’abord les Zaïrois, puis, en s’étendant peu à peu à tous les groupes nationaux, il devient la catégorie d’intervention principale. L’activité de l’Ofpra n’est plus orientée autour de l’intégration des réfugiés mais autour de la sélection des demandeurs d’asile, entre vrais et faux, qui débouche sur un nombre croissant de rejets. …/…

 

Comment les agents de l’Ofpra vivent-ils leur fonction ? Se voient-ils comme des gens sauvant des vies ou des personnes qui prennent des décisions de rejet ?

Beaucoup de ceux que j’ai rencontrés sont marqués par un dilemme moral. Ils ont une identité de défenseurs du droit d’asile. Ils ne sont pas là pour fermer les frontières. Mais ils croient en une essence de la catégorie de réfugié et ont la conviction qu’il existe une différence absolue entre réfugié et migrant. Ils pensent que pour préserver l’asile il faut maintenir cette différence. Donner le statut de réfugié leur procure une véritable satisfaction mais ils font du rejet au quotidien. De leur point de vue, le droit d’asile est mis en danger aussi bien par le ministère de l’intérieur, qui veut que les taux de reconnaissance baissent, que par les associations qui le dévoient en souhaitant le donner à tout le monde, que par les « faux réfugiés » qui en utilisant cette procédure la mettent à mal. Ils pensent qu’ils doivent trouver dans chaque demandeur la nature, l’essence de ce qu’ils se représentent être un réfugié. Ils cherchent ce réfugié à partir de la figure archétypale du militant politique, individuellement persécuté, recherché pour ses actes, et qui risque d’être arrêté aussitôt rentré dans son pays.

Cet archétype est une reconstruction du passé qui était et reste peu courante dans le quotidien de l’instruction des demandes. Ce qui n’empêche pas des milliers de personnes de fuir des violences collectives, des conflits généralisés. La distinction entre politique et économique ne va pas de soi. Amartya Sen a montré que des famines peuvent être le résultat de politiques publiques. Aujourd’hui, on essaie de nous faire croire que les choses sont séparées, que l’économique n’est pas politique, qu’une violence collective n’équivaut pas à une violence individuelle, qu’on est migrant ou qu’on est réfugié. Beaucoup des agents de l’Ofpra sont dans une vraie souffrance, alors qu’on leur demande d’aller plus vite, de faire du chiffre, qu’on les évalue et qu’on les rétribue, à l’aide de primes, en fonction du nombre de décisions qu’ils effectuent chaque jour. Il existe une distorsion entre leurs idéaux et ce qu’ils doivent faire au quotidien.

Partager cet article
Repost0